La bonne maison - Décembre 1997

Cette pièce a été écrite en prenant comme base notre travail d'improvisations. Nous sommes partis d'un thème...fédérateur : la réunion d'une entreprise autour d'une table de restaurant. 

Ensuite, chacun s'est défini un personnage pour lequel il a fallu définir des enjeux.

  Le discours de Marco

 

  Le bizuthage de Nina

Les enjeux sont les bases permettant de tracer un itinéraire dans l'évolution du personnage au cours de la pièce. Le plus simple est, pour chaque personnage, de décider d'une situation de départ et d'arrivée. Ce qui permettra au comédien de cheminer est la psychologie générale de son personnage, et la confrontation de lui-même face aux constructions des autres comédiens.

 

Prenons un exemple qui permettra de fixer les idées. Le personnage de Coralie a été défini de la façon suivante : elle est la maitresse de Laurent. Elle voudra payer le Champagne à tout le monde et aura oublié son porte-monnaie. Au cours des improvisations successives, Coralie aura affiné son personnage en réagissant aux jeux des autres personnages. Tout le monde est venu lui glisser une phrase caustique au cours de la soirée, lui faisant sentir que la discrétion n'était pas son fort. Elle perfectionne alors la perception de son personnage en intégrant le fait qu'elle doit montrer un agacement envers Laurent, qui lui, semble ne se douter de rien quant au fait que leur relation soit de notoriété publique. On voit bien là que le choix de Ludovic de construire un Laurent naïf est important dans la construction du personnage de Coralie.

  Fernand savoure sa promotion

 

  Laurent apprécie la dégradation de la soirée organisée par son frère, tandis que Raymond compte le nombre de verres vendus ce soir

La principale difficulté subsiste dans le fait qu'il faille relier des situations qui semblent a priori indépendantes les unes des autres. Le véritable travail est d'homogénéiser les relations entre les personnages, d'établir un fil conducteur tout au long de la soirée et de permettre de faire s'exprimer chacun à sa mesure.

 

L'objectif est de proposer une suite d'actions qui permettra au spectateur de comprendre les enjeux de chaque personnage. Il faudra lui faire ressentir la vraisemblance des enchaînements sans qu'il ait l'impression d'un patchwork de saynettes décousues.

  "Je lui ai seulement dit que sa femme était grosse."

 

  Francine avant son bide

Il faut pour cela faire le tri des propositions qui fusent lors des séances d'improvisation. Organiser toute l'action, laisser dire seulement ce qui est nécessaire dans l'avancée de la pièce vers son dénouement. L'important est de ne pas s'emporter dans des digressions , qui, certes peuvent être très intéressantes au niveau du travail d'improvisation en lui-même, mais qui feraient se diluer le personnage ou l'écarter de son enjeu prédéfini.

 

C'était donc le travail de notre metteur en scène que de retirer le meilleur de notre travail dans l'intérêt de l'action, et seulement par rapport à la définition de départ des personnages. Car il peut être tentant pour chacun de s'éloigner de son personnage, juste pour le plaisir d'une idée qui traverse l'esprit. Si l'intervention est de qualité, on l'applaudit. Si elle peut correpondre au besoin d'un autre personnage, on propose l'idée et la personne concernée décide de la reprendre pour elle si et seulement si cela concorde avec sa propre construction intérieure. Si l'idée ne peut faire avancer la pièce, on l'écarte, conservant simplement le souvenir d'une intervention remarquable.

  "On m'envoie des lettres anonymes"

 

  "Vive la femme de Daniel !"

Le metteur en scène - Gilles DYREK - s'est ainsi chargé de reconstruire notre pièce, en lui donnant unité, dynamisme et consistance. Il s'est isolé avec les enregistrements de nos séances d'improvisations pour bâtir le texte final sur lequel il ne fallait plus effectuer d'ajouts.

 

Une fois le texte proposé, le reste du travail consistait à le mettre en scène. Chacun devait apprendre son rôle et s'atteler aux tâches traditionnelles des comédiens préparant une pièce de théâtre. Il faut tout de même préciser que les personnages étaient déjà assimilés, et que, théoriquement, tout le travail d'introspection avait été accompli.

  "Et oui, un coup de panache"

 

  Vous devriez vous excuser, Mlle Anabelle

Les séances de mise en scène ont alors pris le pas sur les séances d'improvisation. L'importance de la connaissance du texte n'est plus à démontrer dans cette phase. Il n'est pas de travail en profondeur possible, à ce stade, si le texte n'est pas su. Ce furent les points durs que nous avons rencontrés du peu de temps qui était alloué entre le moment où le texte a été écrit, et le moment où la représentation devait avoir lieu (texte figé en octobre - première représentation le 2 décembre - durée de la pièce 1h15)... Il faut tout de même signaler que tous les comédiens ont une activité professionnelle totalement décorrélée des plaisirs théâtraux.

 

Finalement, les répétitions se sont succédées à un rythme de plus en plus soutenu. Vers la fin, le stress montait, et avait quelques répercussions sur le jeu des comédiens. En effet, la réaction classique d'un comédien - amateur faut-il préciser - est de se laisser tenter par le surjeu. Il estime que son personnage n'est pas assez clair. Alors, sentant la représentation approcher, il se dira qu'il n'est pas prêt, et que le spectateur sera incapable de comprendre l'enjeu de son personnage. Il se laissera alors forcer son jeu, allant jusqu'à la caricature : il va accentuer ses gestes, modifier son timbre. Autant de travers qu'il faudra contrôler. Le rôle du metteur en scène est de rassurer ses comédiens.

  "Et dans les toilettes, il y a des p'tits rideaux"

 

  "Monsieur le président, la tâche ne doit pas être facile..."

Au bout du compte, il reste que les 3 représentations ayant eu lieu à l'espace Icare d'Issy les Moulineaux les 2, 3 et 4 décembre 1997 laissent des souvenirs impérissables, et montrent que les représentations se suivent et ne se ressemblent pas. Le public n'est pas le même, notre maitrise du texte évolue, et nos énergies respectives sont différentes. Car l'énergie est notre principal moteur, sur scène, où il faut constamment pousser sa voix, et être vraiment dans son personnage. C'est le plaisir du comédien, que de convaincre le spectateur qu'il est vraiment le personnage qu'il joue...

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